mardi 1 septembre 2009

Des espaces naturels sensibles ...

La boite à outils des collectivités regorge de ces petits riens qui rendent la vie encore plus pénible à l'administré d'une commune, au citoyen, au résident, français ou européen. L'Espace Naturel Sensible (E.N.S.) est de ceux-là.

Faisons simple et court: Les codes de l'urbanisme, l'environnement, les lois de protection de la nature et les lois sur l'architecture, encadrent cette arme absolue des conseils généraux. Elle prend racine dans les années 50, pour protéger les écosystèmes de la nouvelle jungle immobilière qui prend forme en région PACA ; l’E.N.S. repose essentiellement sur deux points:

  1. La délimitation de zone de préemption pour le conseil général (zone dans lesquelles, en cas de vente, à l’instar de la commune, le département pourra désormais se porter acquéreur, dans les conditions de préemption publique, donc parfois à un prix inférieur à celui demandé par le vendeur).

  2. L'instauration, depuis les années 70, d'une taxe assise sur les permis de construire: La TDENS (Taxe Départementale des Espaces Naturels Sensibles).

D'abord, vous payez pour construire, et ensuite, on vous dévalue votre bien en le plaçant en zone de préemption.

Il est difficile de ne pas se moquer de l'inutilité de cet outil, vu le résultat catastrophique en Provence et sur la Cote d'Azur, il était évident que le marché immobilier étant extrêmement élevé, les collectivités ne purent tout simplement pas préempter partout.

En revanche, il y a de rares cas, comme sur le littoral breton, où il semblerait que les E.N.S. puissent avoir servi. Certes, l'inflation immobilière n'y est pas la même, mais surtout il y a ici sujet de polémique, notamment sur le fait que les E.N.S. ont probablement contribué à la désertification démographique de la région. Si vous empêchez une population de s'installer, si vous appliquez des règles strictes de construction, formulé plus simplement, si vous restreignez les libertés des résidents, ils vont voir ailleurs, où l'herbe est plus verte, même s'il est vrai qu'en Bretagne elle est bien arrosée.

Ainsi, en tant qu'élu local, je me pose des questions aussi sincères que naïves, sur l'intérêt général de telles mesures, il est dit sur le très officiel site des espaces naturels, que 73 départements ont institués la TDENS. Certains de ces departements sont très probablement ruraux. Prenons par exemple le 73ème département classé par population (liste ici) : l'Ardèche. En parcourant assez vite le site de leur conseil général, on s'aperçoit de la politique (assez folle) de développement E.N.S.. Autant il semble évident que les frontières Sud ou Est de l'Ardèche, en limite du Gard et de la Drome, soient victimes d'une inflation immobilière sauvage, autant les 75% restant des Espaces Naturels (et je suis gentil sur le pourcentage, car je ne suis pas expert de la géographie de l'Ardèche), ne se situent pas du tout dans des zones peuplées. Ce département dispose d'une densité de population de 55 habitants au km2, pire, il n'y a ni autoroute, ni chemin de fer voyageurs en Ardèche. Dans ce cas, quel sens peut prendre un tel déploiement des E.N.S. (qui je le rappelle, est à la base, une arme luttant contre l’installation immobilière excessive) ? Il n'est pas étonnant de voir que ce département est dans les 10 derniers en termes de PIB par habitant. Comment voulez-vous que se développe un tel département si vous ne faites rien pour en endiguer l'exode rural.

Par ailleurs, je me demande, de manière tout à fait justifiée, comme vous allez le voir, si les départements utilisent à bon escient les taxes perçues au titre de l'E.N.S., et si ce n'est pas une recette facile supplémentaire. J'ai un peu l'impression que l'objectif des conseils généraux est de pousser au maximum cette contribution sur les permis de construire (dans la limite du plafond de 2% évidemment), sachant que les produits de cette taxe ont augmenté de 100% de 1997 a 2002, ce qui est, à vue de nez, 5 fois supérieur à l'inflation sur cette période, ce n'est pas moins de 130 millions d'euros en 2002, selon le site des espaces naturels, et plus de 276 millions d'euros en 2007, selon ce rapport ministériel. Cette progression geometrique est tout bonnement stupéfiante.

Par ailleurs, une lecture récente, très instructive, le "Rapport 2006 du Service central de prévention de la corruption", prend précisément la TDENS en exemple, et c’est accablant :

Page 185:


II. LES RISQUES


Si, comme nous l’avons déjà dit, la mise en œuvre du droit de l’urbanisme a été très largement décentralisée au profit des communes, l’État conserve un fort pouvoir normatif. La liste des cas particuliers pour lesquels l’État se sent « obligé » d’intervenir ne cesse de s’allonger en prenant en compte chaque nouvelle « catastrophe » naturelle ou chaque nouvelle infraction. Dans tous les textes, le souci de la défense de l’intérêt général est mentionné et il sert toujours à motiver les décisions prises. Il est cependant des cas où la réglementation est détournée de son objectif pour des motifs divers tels que :


– l’absence de moyens de contrôle (exemple : l’application de la taxe départementale des espaces naturels) ;


[...]


Cette taxe est établie sur la construction, la reconstruction, l’agrandissement des bâtiments et sur les installations et travaux autorisés. » Elle contribue à une augmentation non négligeable du coût d’acquisition d’un bien immobilier. Mais, si sur le plan des principes, cette mesure ne soulève aucune controverse, il convient de s’interroger sur l’utilisation, par certaines collectivités territoriales, des fonds ainsi collectés puisqu’il n’existe aucun contrôle sur leur utilisation.

Que dire quand aucune dépense n’a été engagée par le département ?

Que dire quand la taxe est utilisée pour aménager des terrains de golf dont la gestion est confiée à une société privée ? Absence d’ouverture au public dans un cas, constitution d’une réserve de trésorerie dans l’autre. Il y a donc bien détournement de l’usage prévu pour les fonds collectés en application de cette réglementation.

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