jeudi 29 avril 2010

Fumante cacophonie électorale

Il est un comportement que nous observons fréquemment quand un éventuel candidat à une élection s'exprime: ce sont les grandes reculades, les nombreux rétro-pédalages, les annonces suivies de démentis. Prenez, comme récent exemple national, le fameux démenti de Carla Bruni (s'exprimant au nom de son mari) sur l'"inimaginable" enquête de police autour de LA rumeur, démenti se télescopant avec les indications du patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) au site Mediapart, puisqu'il y expliquait que ses services essayaient de "déterminer d'où étaient parties ces rumeurs". Ce désordre laissa rapidement place, selon les confidentiels du Figaro, à une retraite qui n'est pas sans rappeler la tactique militaire de la terre déserte, alors même que certains commençaient à lancer l'idée de primaires à l'U.M.P. . Parfois, dans ces périodes pré-électorales, les analystes, journalistes politiques ou simples observateurs s'agacent de cette prudence exagérée lors de la composition des listes de candidats.

Et bien, sachez que pour les élections aussi anodines que celles d'un président d'une toute petite communauté de communes, j'ai pu remarquer exactement la même attitude. En fait, si vous avez la chance d'assister à la désignation de ce président, vous avez peut-être compris que tout s'est joué en bureau restreint, en "off" pour reprendre un terme à la mode, afin d'éviter un scandale, et de ne pas afficher une désunion du conseil communautaire. Parfois un outsider, un franc-tireur, une commune isolée dans notre cas, veut tâter le terrain: des gens lancent le nom de leur candidat fétiche, alors même que ce dernier assure de son soutien total le candidat du consensus de la communauté. Ce double discours, comme dans la politique nationale, peut viser de multiples objectifs: le premier, c'est le fumigène, le temps passé pour démêler le faux du vrai n'est pas utilisé pour travailler; le second, c'est la franche reculade face à la grosse bêtise, esquiver l'aveu d'un bluff, en le faisant endosser par un autre; dans le cas de mythomanes pathologiques, comme ceux dont je parle souvent, nous pourrions être dans une inutile tentative de manipulation, visant à diviser la communauté en encourageant d'autres communes à, elles aussi, proposer leur candidat. Espérant ainsi établir une triangulaire, ce genre de Machiavels en carton-pâte rêvent peut-être de gagner cette élection sur la majorité relative en trois tour, ou pire, l'élection du candidat le plus âgé en cas d'égalité des voix (article L2122-7 du Code Général des Collectivités Territoriales, applicable aux maires, transposable aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale par l'article L5211-2 du même code).

Pour une ancienne petite baronnie locale, où le monarque à la retraite, essaye de continuer de tirer les ficelles, puisqu'il a engagé l'avenir de sa commune sur deux ou trois projets portés financièrement par l'E.P.C.I. en question, ces élections sont vitales. Mais la vision de baron fatigué est courte, car il est aveuglé par la reconquête d'un pouvoir qui lui échappe, et par capillarité, qui échappe à sa propre commune, car chaque conseiller de sa majorité municipale, qui la représente au conseil communautaire, est immanquablement lié à l'image de ce précédent Maire, ce qui exclue d'office leur candidature à la présidence. Les enjeux sont encore plus important dans certains cas: Souvent, si un président de communauté est maire d'une des communes, sa gestion peut sembler centrée autour de sa commune, et parfois les autres conseillers de l'E.P.C.I le lui reprochent, soit parce qu'elle est déjà géographiquement centrale, ou alors c'est déjà la plus riche, etc. Tous les moyens sont bons pour tirer la couverture à sa petite commune désœuvrée qui n'a pas autant qu'elle mérite (oui, malheureusement, dans communauté de communes, les élus oublient souvent que le premier mot n'est pas commune). Et si il y a pire qu'un Maire pour exercer le mandat de président de communauté, c'est bien un futur maire, sa gestion sera tout entière calquée sur un agenda dans le seul et unique but de présenter un bilan exceptionnel à sa commune au moment des municipales suivantes.

La leçon que le baron local aura reçu le jour de cette élection et durant tout le mandat de cette intercommunalité, c'est qu'il aurait du prendre de plus gros risques pour que sa commune conserve son influence. Et prendre des risques, dans ce "métier", c'est viser la pacification des relations en apportant des garanties solides, ne plus persévérer dans des manipulations qui ne tiennent pas une journée tellement il est devenu lisible pour la plupart des élus du voisinage...

Quelquefois, prendre des risques, c'est se calmer.

vendredi 23 avril 2010

Un an, un bilan...

Exercice difficile, tirer un bilan d'une année de blog très irrégulière, très inégale...

Pourquoi, en premier lieu, ai-je commencé celui-ci?
- J'étais persuadé que le sous-titre "Rétrospectivement, un élu local d'une petite commune rurale, dévoile ce que tout citoyen devrait savoir, s'il en prenait la peine. Les anecdotes croustillantes, l'immanquable désillusion, les conflits..." suffirait à expliquer la démarche, et les motivations poursuivies par cette modeste publication. Mais en fait, après un an de blog je me rends compte que je souhaite surtout qu'aucun jeune conseiller municipal, dans aucune petite baronnie locale, ne subisse les brimades que j'ai subies, et dans le cas contraire, qu'il ne s'en décourage pas. Dès lors que nous remplissons nos fonctions, à savoir, "le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d'intérêt local." - L2121-29 du C.G.C.T. ( notez bien, ici, c'est le conseil municipal qui émet ses vœux, et pas "le maire" ), ou dès que nous exerçons le contrôle que la loi impose à tous les conseillers municipaux de notre pays : "Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier..." - L2122-21 du C.G.C.T., certaines pressions peuvent se révéler assez lassantes, pour ma part, je baisse rarement les bras face à un challenge, nettoyer les écuries d'Augias, dans certaines communes, est un défi séduisant.

Suis-je un casse-pieds de l'opposition?
- Et bien non, si vous avez suivi les billets "Historique" de mon parcours vous apprendrez que j'ai mis un certain temps à réaliser que je me retrouvais dans une liste de godillots. Je vote souvent "pour", mais lorsque l'on présente une délibération manifestement illégale, je vote "contre". En revanche, la virulence de mon vote "contre", souvent accompagné d'un courrier aux services de contrôle de légalité, est particulièrement mal vécue par la majorité de mon petit village. Je suis intransigeant et m'amuse parfois, tel l'enfant qui bouscule une fourmilière, de voir l'agitation de ces petits individus qui se réunissent pour discuter de la sauce à laquelle ils vont me manger, ou de la réaction appropriée à opposer à mes troubles.

100% de ce qui est écrit dans ce blog est-il vrai?
- Réponse courte: non. J'ai évidemment essayé de faire en sorte que l'anonymat des personnages de mon blog soit préservé, par ailleurs j'ai un style romancé qui tend à la démesure, et il est possible que quelques traits soient exagérés. Malheureusement, la plupart des choses choquantes (dans la pratique du pouvoir et la politique locale) qui sont rapportées dans ce blog sont vraies, je les ai constatées par moi-même, ou alors, elles sont "importées" d'autres communes que la mienne.

Suis-je frustré?
- Heureusement, non. J'ai une chance assez incroyable, c'est de savoir à quel point le mandat de maire ou de président de communauté de communes est compliqué. Il me semble quasiment impossible de mener une action d'opposition au sein d'une de ces collectivités en ayant un poste exécutif dans l'autre. Et puis, j'ai un vrai travail qui me prend beaucoup de temps et qui me rémunère beaucoup plus que ne le ferait un, ou deux, ou trois (...), mandats locaux. Par ailleurs, j'apprécie à leur juste valeur les efforts que mon maire fournit au sein de sa communauté de communes pour défendre son "bout de gras". Même si je sais qu’il n’arrivera à rien, parce que son image est attachée à celle de son prédécesseur qui attire toutes les vengeances des communes voisines. En aucun cas, je ne souhaiterais être à sa place.

Pourquoi le continuer (ce blog, ce mandat)?
- Ça tourne un peu en rond, mais deux certitudes me font continuer: La première, est évidente, c'est que les activités liées au mandat d'élu local sont assez diversifiées pour aborder de nombreux thèmes. La seconde concerne mon cas particulier: mon "combat" local n'est pas vain, il aboutira sur trois types de suite, chronologiquement: le premier est psychologique (mon maire, et son entourage commencent déjà à paniquer, et commettent des erreurs), le second est administratif: la préfecture, et la chambre régionales des comptes sont saisies sur plusieurs questions et le préfet pourrait très bien attendre un faux pas pour mettre en place une procédure de suspension ou de révocation du maire (il suffit juste que mon maire ait oublié de produire une explication écrite dans un délai raisonnable - CE 1er avril 1960 - Ramelot), et enfin troisième type de suite: une décision que j'espère la moins sévère possible, puisqu'il s'agit des conséquences d'une procédure judiciaire pour un certain nombre d'infractions pénales qui font l'objet d'une enquête préliminaire mise en œuvre sur instruction du procureur de la République il y a bientôt un an déjà ! (ici on compte en temps administratif, une année ou deux, c’est un clignement de paupière)

Par ailleurs, un grand nombre d'habitants de ma commune méritent d'être représentés d'une façon ou d'une autre, et continuer à se bagarrer en leur nom, c'est aussi faire vivre leurs opinions.

Maintenant, jetons un regard sur les aspects plus techniques du bilan de ce blog.

C'est un petit blog de rien du tout qui a amené 3000 visiteurs uniques pour environ 5000 visites en tout (attention c'est de la vraie statistique Google Analytics, pas du Webalizer de papi qui compte les robots des moteurs de recherche comme des visiteurs humains). Pour les géants de la blogosphère je ne suis qu'un point bleu pâle, mais ramené au tirage d'un petit journal municipal et à sa périodicité, je suis une véritable rock-star !

Qui vous a amenés, chers lecteurs, ici ?
Indéniablement, Zythom a contribué de manière majeure à la fréquentation de ce blog (6.9% du trafic selon Google Analytics). Et si je savais comment le remercier, je n'hésiterais pas une seconde! (Le problème de l'anonymat, cher Zythom, c'est qu'on ne peut pas recevoir de cadeau, donc je ne m'engage pas à grand chose en fait).
En seconde position c'est Authueil, dont le blog renferme des appeaux à troll où je m'engouffre souvent trop facilement! Ensuite, Maître Eolas, qui dispose d'une force de frappe hallucinante, puisque j'ai juste balancé un ou deux commentaires et son blog a généré près de 200 visites ici. Et last, but not least, Falconhill, élu local et fan invétéré des "chevaliers du zodiaque", si seulement il savait que je dispose de tous les chevaliers d'or, édition originale en français, dans leur carton d'origine! (Même pas parce que je suis collectionneur, mais tout simplement parce que j'étais fan quand j'étais gamin)

Que cherchez-vous ici ?
Florilège des mots clefs, ce qui compte pour vous, c'est le FRIC!!!! "budget d'une commune", "le budget d'une commune", "capacité d'autofinancement d'une commune", "caf nette du remboursement en capital des emprunts" (c'est bien, je vois que je sers à quelque chose là!), "indemnité elus locaux", "budget de la commune"... et encore de nombreuses autres déclinaisons avec indemnités, maires, adjoints, budget, commune, ... Vous avez tout compris! Et pour citer Alain Lambert, avec lequel j'ai eu récemment la chance de discuter via Twitter, "mais les finances c'est simple : la maitrise de la dépense. Tout le reste est littérature"

Qu'est ce qui vous y retient le plus?
Certains mots-clés vous maintiennent plus longtemps sur ce blog que d'autres, ainsi, "epci corruption", "budget d'une petite commune rurale", "indemnisation d'un élu+zone", "imposition indemnites elus communes rurales" (alors là, pour faire simple, soit c'est retenu à la source, soit on ajoute dans sa déclaration sur les revenus l'indemnité qu'on touche). Il y'en a un, bien triste et hors-sujet, c'est "justicier ordinaire meilleurs voeux", malheureusement Justicier Ordinaire a arrêté son blog visiblement après avoir subi une lourde pression.

Qu'est-ce qui m'amuse le plus dans vos recherches?
Des recherches du genre : "qu'est-ce qu'un élu locaux" (en dehors d'une faute d'accord, quelques éléments de ce blog peuvent y répondre). "une bobo néo-rurale": quelqu'un de beaucoup plus agréable qu'un bobo parisien (je ne supporte pas les écolos qui n'ont jamais bêché un jardin, et qui donnent des leçons aux agriculteurs). "tyrannie maire petite commune rurale": Si il y en a d'autres qu'ils n'hésitent pas à m'envoyer leurs témoignages : elu.local @ gmail.com

Bloguer ou twitter?
Je vais conclure sur cette question... Puisque je me fais beaucoup plus plaisir en twittant qu'en bloguant, le caractère faussement éphémère de twitter y contribue (je me torture moins l'esprit quand je "poste" un twitt, que pour un billet). Et puis on y rencontre des gens de qualité, mais dans les deux cas, c'est extrêmement chronophage. Donc, probablement bloguer ET twitter, dans des proportions du genre 30 tweets pour un billet.

jeudi 15 avril 2010

Joyeux anniversaire Maître


Billet-hommage, librement inspiré par "Les rois du Baratin" de Maître Eolas, publié il y a exactement 6 ans (à la minute près).

J’assiste souvent à un phénomène récurent dans mes rencontres avec les hommes politiques, qu'ils soient jeunes (à mon grand dam, car naïvement, je suis persuadé que la nouvelle classe politique a soif de transparence) ou âgés, d'envergure nationale ou aux modestes prétentions locales, c'est celui du roi du baratin.

Émules de Davinain, ils ont fait leur la phrase de celui-ci « n’avouez jamais ! »

Acculés, dans de vaseuses explications sur les motivations d'une proposition démagogique, esquivant les sujets polémiques avec brio, ils pensent ainsi se sortir avec classe d'un débat, tel un félin d'une chatière.

Mais quand on ne veut pas se prononcer sur le fond, il faut quand même un jour se dévoiler, et la cohérence des promesses ne tient jamais face à la réalité du pouvoir, c'est à la lumière de sa pratique qu'ils seront jugés par leurs conseillers, leurs concitoyens, le personnel de leur collectivité, et les institutions qui la contrôlent.

Alors ils bâtissent un mensonge... Et s'en sortent souvent très bien jusqu'à maintenant. Je précise, jusqu'à maintenant, parce qu'il est difficile pour un homme politique, y compris élu local, de faire face dans son action, et dans son discours à la mémoire informatique qui nous permet de chercher et trouver facilement les contradictions entre ses anciennes propositions et ses actions. D'autant plus que l'information est disponible désormais, et de plus en plus, au plus grand nombre. Certains ont la malice de penser que la communication peut y palier, selon le principe "plus on en parle, plus c'est vrai", mais c'est mal comprendre le citoyen 2.0, qu'il soit internaute ou pas. Il dispose de l'information de manière beaucoup plus libre que dans les années 80 ou 90, il se fabrique sa revue de presse, il critique, et il sait facilement ignorer un message politique polluant son espace informatif. D'ailleurs, l'effet inverse tend à se produire, et c'est un problème, car pour une partie non-négligeable de la population, "plus on en parle, plus c'est faux", ainsi sont fabriquées les thèses fantaisistes de conspirations. Ce réflexe défensif face à la com', entraîne parfois la population dans une paranoïa suraiguë, et rend assez difficile le travail d'éclaircissement qu'il est nécessaire de fournir dans certaines de nos collectivités où ont pu se manifester effectivement des comportements excessifs: si ce n'est de réelle conspiration, au moins des systèmes de fonctionnement déviants.

Sur le registre de la délinquance en col blanc, voire même de la criminalité, puisque notamment le faux en écriture publique est un crime contre l'État, un spécialiste de ce type d'affaires m'expliquait récemment les stratégies mises en place par les représentants de la loi et de la justice de notre pays, afin de démasquer les hommes politiques qui s'essayaient à ce genre de pratiques. Il est intéressant de noter, comme Maître Eolas le faisait pour les petits escrocs, la répétition du même crime ou délit par les personnages en question. Selon cet "expert", la collecte minutieuse et patiente de témoignages et d'indices, confine, a priori, le mensonge des suspects dans des limites bien inférieures à celles que nécessite l'épanouissement de leur (contre-) vérité, et le taux de résolution de ces affaires est extrêmement élevé. A tel point que le législateur remanierait fréquemment le code des marchés publics pour laisser toujours plus de liberté dans les comportements des élus, quand il ne s'agit pas plus rapidement, de l'Exécutif qui relève les seuils directement.

Je me suis écarté du sujet original et essentiel, l'anniversaire du premier billet de Maître Eolas, que j'ai du découvrir, il y a 3 ou 4 ans, après la lecture de ce billet qui aujourd'hui encore, me glace. Joyeux anniversaire, et longue vie à votre blog!

P.S.: On est quelques uns à prendre les paris sur le fait que vous puissiez un jour vous engager en politique. Si d'aventure vous tombiez sur ce modeste billet, n'auriez-vous pas un scoop?

Bonaparte nous a donné l'exemple

Ça a les couleurs d'un deuil national (bleu-blanc-rouge), c'est dans les circonstances de ce qui pourrait être un deuil national, cependant, est-ce réellement un deuil national?

Je viens d'apprendre, par le cabinet du Préfet, que conformément à la demande du Premier Ministre, les drapeaux seront mis en berne sur les bâtiments et édifices publics samedi 17 et dimanche 18 avril 2010, à l'occasion des funérailles de Lech Kaczynski, Président de la République de Pologne.

Beaucoup de démagogues nous ont abreuvés, à l'annonce de cette récente catastrophe aérienne, de propositions plus "europhiles" les unes que les autres: faire un Deuil Européen, ou une coordination des deuils nationaux des pays membres, etc. Est-ce cela l'Europe? Est-ce là tout le respect que nous devons apporter à notre union, que de s'emparer d'une actualité aussi tragique pour en faire un symbole de nos idées politiques? Quelle que soit l'honnêteté des motivations de ces politiciens, se pourrait-il que nous en débattions? Est-il possible que l'ensemble des pays, et leurs concitoyens, aient leur mot à dire là-dessus? L'Europe est-elle condamnée à cette inertie idéologique qui consiste à admettre, sans réfléchir, que rien n'est trop beau pour elle, et tout doit y être décrété ou fait, sans aucun débat (il faut dire que le dernier referendum sur le sujet n'est pas particulièrement motivant, je vous l'accorde).

Je m'interroge sur le fait que la majorité des européens soient favorables à l'idée de deuil communautaire (ou même national, d'ailleurs), pour la disparition d'un homme élu (la question reste entière sur les personnes ayant accompli des actes héroïques ou au contraire les victimes d'acte de barbarie). Et de manière plus "locale", car il faut bien que cela serve à quelque chose que je rapporte le retour de mon monde provincial sur la question, nos concitoyens ruraux, qui ont voté massivement en faveur du Non au T.C.E. (et qui n'ont pas réalisé une seule seconde qu'un palliatif était entré en vigueur le 1er décembre 2009), s'interrogeraient qu'on leur demande une minute de silence pour le décès de toutes ces élites polonaises.

D'où, je suppose, la proposition du Premier Ministre l'annonce au cours d'une conférence de presse mardi à Washington du Président de la République, de demander la mise en berne des drapeaux, mais à ce jour, aucune circulaire, ni aucun décret de deuil national disponible sur Legifrance en tout cas, contrairement au deuil national en hommage aux victimes des attentats commis aux États-Unis d'Amérique le 11 septembre 2001 (Décret ici). Ni rien à ce sujet au journal officiel de ces derniers jours.

En ce qui me concerne, je partage la douleur des familles des victimes, et suis désolé de la disparition de ces hommes chers au Peuple Polonais. Je trouve finalement la manœuvre du Président (ou du Premier Ministre) habile, si effectivement ils n'ont pas décrété de deuil national: ils expriment leur émotion, en évitant le débat, et donc sans salir ce triste événement d'une récupération idéologique.

L'hymne nationale de la Pologne fait référence à Napoléon Bonaparte qui créa les légions polonaises, c'est de ce chant patriotique qu'est tiré le titre de ce billet, la mazurka de Dombrowski:

La Pologne n'a pas encore péri,
Tant que nous vivons.
Ce que l'étranger nous a pris de force,
Nous le reprendrons par le sabre.

Refrain :
Marche, marche, Dombrowski,
De la terre italienne vers la Pologne ;
Sous ta direction,
Nous nous unirons avec la nation.

Nous traverserons la Vistule et la Warta,
Nous serons Polonais.
Bonaparte nous a donné l'exemple,
Comment nous devons vaincre.

Comme Czarniecki vers Poznań
Après l'invasion suédoise,
Pour sauver la patrie,
Revint par la mer.

Le père dit à sa Basia
Tout en pleurs :
« Écoute ! Il semble que les Nôtres
Battent le tambour. »

mercredi 14 avril 2010

Un point bleu pâle



Un petit billet que je dédie à tous les passionnés de l'espace et de la science-fiction. Peut-être connaissent-ils déjà cette vidéo, je me suis permis d'y ajouter une traduction française (que j'ai approximativement rédigée pour la première partie, et malhonnêtement copiée collée pour la fin) du texte lu par Carl Sagan.

Cette vidéo, et ce texte relativisent un peu tous nos problèmes, c'est un tantinet idéaliste, et pourrait être récupéré par tous les courants pacifistes ou écologistes de la vie politique. En ce qui me concerne je le prend pour ce qu'il est: à savoir la vision brute de notre insignifiance (ce mot ne me plaît pas, mais je ne trouve pas d'antonyme exact pour gigantisme)!



La sonde avait fait un long voyage depuis son départ.

J'ai pensé que ce serait une bonne idée, juste après Saturne, de les faire jeter un dernier coup d'œil en arrière. De Saturne, la Terre devrait être trop petite vue par "Voyager" pour en distinguer les détails. Notre planète ne serait qu'un point lumineux, un pixel solitaire à peine différentiable des autres points lumineux que Voyager apercevrait: les planètes proches, les soleils éloignés. Mais précisément en raison de l'obscurité de notre monde ainsi mis en évidence, avoir une telle image en vaudrait la peine.

Il avait été bien compris par les scientifiques et les philosophes de l'antiquité classique que la Terre était un simple point dans un vaste cosmos l'englobant, mais personne ne l'avait encore jamais vu comme tel. C'était notre première occasion, et peut-être aussi notre dernière avant des décennies.

Alors, les voici: une mosaïque de carrés fixés au-dessus des planètes sur un fond constitué de quelques étoiles plus lointaines. En raison de la réflexion de la lumière du soleil sur la sonde, la Terre semble se situer dans un faisceau de lumière, comme s'il y avait une importance particulière à ce petit monde, mais c'est juste un accident géométrique et optique. Il n'y a aucun signe de l'homme dans cette image: ni notre façonnement de la surface de la Terre, ni nos machines, ni nous-mêmes. De ce point de vue, aucune preuve de notre obsession des nationalismes. Nous sommes trop petits. A l'échelle des mondes, les êtres humains sont sans conséquence: un film mince de vie sur un morceau obscur et solitaire de roc et de métal.

Regardez encore ce petit point. C'est ici. C'est notre foyer. C'est nous. Sur lui se trouve tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d'idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d'amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants plein d'espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les "superstars", tous les "guides suprêmes", tous les saints et pêcheurs de l'histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.

La Terre est une scène minuscule dans une vaste arène cosmique. Pensez aux rivières de sang versées par tous ces généraux et empereurs afin que, glorieux et triomphants, ils puissent devenir les maîtres éphémères d'un petit morceau d'un point. Pensez aux cruautés sans fin exercées par les habitants d'un coin de ce pixel sur les habitants, à peine discernables, d'un autre coin, combien de fois ils ne se sont pas compris, combien ils sont prompts à s'entretuer, combien sont tenaces leurs haines.

Nos gesticulations, l'importance imaginaire que nous nous donnons à nous-mêmes, l'illusion que nous occupons une place privilégiée dans l'univers, sont mises à mal par ce point ténu de lumière. Notre planète est une poussière solitaire dans la grande obscurité cosmique qui l'entoure. Dans cette obscurité, dans toute cette immensité, rien ne nous laisse croire que de l'aide viendra d'ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.

La Terre reste le seul monde que nous connaissions qui abrite la vie. Il n'y a aucun endroit, au moins dans un futur proche, où notre espèce pourrait émigrer. Explorer, oui. S'installer, pas encore. Que nous le voulions ou non, pour l'instant nous n'avons que la Terre.

Il a été dit que l'astronomie est une expérience qui conduit à l'humilité et forge le caractère. Il n'y a peut être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir ce point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue.

Un point bleu pâle


Texte original consultable ici.

mardi 13 avril 2010

The Man Who Sold His World

Peut-être parce que nous sommes de simples élus provinciaux, nous avons cherché leurs erreurs, méticuleusement, mais en vain.
Nous les pensions intouchables, ces démagogues narcissiques. Aucun d'eux ne peut imaginer l'éventualité qu'il se trompe.

Et lorsqu'ils commettent des erreurs, ils préfèrent mentir sans honte.

Seul un joueur de poker, ou quelqu'un entraîné, dopé aux antidépresseurs pourrait mentir, sans qu'aucun signe extérieur ne le trahisse. Les sociopathes aussi peut-être ?

Je ne sais plus exactement quel jour c'est arrivé, mais l'un de ces mensonges (peut-être une injure gratuite : "tu es trop bête pour comprendre") fut le déclencheur de mon action politique, mon opposition à ma propre liste, ou plutôt à son dirigeant, tant les autres membres se tiennent à l'écart du moindre débat pour, en définitive, voter comme des godillots.

Pire encore, lorsque la contre-vérité est indéniable, lorsque vous démontrez, documents à l'appui, que ce baron local, ou plutôt son pantin est un incompétent si ce n'est notoire, au moins démasqué, et qu'alors nous sombrons dans la mythomanie la plus maladive: c'est à ce moment précis que vous comprenez le seul moyen, efficace à 100% pour contrarier les plans de cet adversaire politique, c'est d'arrêter de débattre. Le jeu d'un élu local nuisible, qui concentre les pouvoirs, est de persuader ses concitoyens qu'il garde le contrôle sur tout, et qu'il fait ce qu'il veut.

En l'occurrence, un baron local ne possède plus tant de pouvoir, si l'opposition conteste légalement sa politique. Ce sont les différents organismes de contrôle qui mènent le jeu: la préfecture pour la légalité, la SAFER pour les préemptions abusives et non-motivées du domaine agricole, la trésorerie pour les imputations budgétaires aléatoires, les collectivités subventionnant pour les dépenses abusives (il faudra que je vous raconte l'histoire de la parcelle de 5000 mètres carrés qui a touché deux subventions, sur deux projets similaires, en cinq ans, sans qu'aucun des travaux indiqués ne soit réalisé, zones sur laquelle mon maire présente très sérieusement un troisième projet!), les agents du S.D.I.S. pour avoir le fin mot sur une opportune piste de lutte contre l'incendie, qui désenclavait le terrain dans lequel un proche du maire voulait investir, justement, etc. Les manœuvres de notre monarque local relèvent tellement de l'amateurisme qu'en aucun cas nous n'avons eu à saisir le Tribunal Administratif (je ne l'exclue pas prochainement évidemment).

Si l'activité des opposants pouvait se mesurer à la quantité de projets (inutiles, je vous rassure) avortés, nous nous sommes vraiment bien battus! Et ce n'est qu'un début, le plat de résistance est pour bientôt, nous ne sommes qu'à un tiers du mandat, après tout.

Nous avons même réussi un coup façon Socialists Ninjas, mais à l'envers: en nous levant quelques minutes avant le début d'un conseil municipal, réduisant ainsi les présents à un nombre inférieur au quorum, nous l'avons facilement fait annuler.

Je m'emballe pour ce 50ème billet, à 10 jours de l'anniversaire de ce blog, je n'ai pas pu m'empêcher de faire ce petit bilan, et je me suis éloigné du titre du présent écrit, mais j'y reviens: quel est donc cet homme qui a vendu son monde (référence un peu facile au tube de David Bowie) ? Cet homme qui semble entier, avec tout ce qu'il a de bon et (surtout) de mauvais, bien tassés dans ce corps boiteux et bouffi. Ils sont plusieurs dans ma commune, le Baron et le Directeur notamment: des hommes prêts à donner la leçon à qui veut les entendre radoter (il n'en reste plus beaucoup, fort heureusement), aux savoirs complétement dépassés par les nombreuses réformes et pourtant, ils sont dotés d'une assurance à toute épreuve, qui désarme encore quelquefois leur interlocuteur, mais plus aussi souvent tant ils sont devenus ennuyeux. Ne sentent-ils jamais une âme bienveillante s'arracher un instant de leur corps impur et difforme pour leur montrer qui ils sont vraiment (vous allez croire que je fais une fixation sur la schizophrénie ) ?

Il semblerait que si. Cela leur arrive. Alors qu'ils sont généralement galvanisé par la présence d'un public. Ce soixante-huitard idéologue, bobo, cet ancien naturiste, exhibitionniste, n'ont-ils vraiment honte de rien ?

Ces êtres si surs d'eux n'auraient-il pas raté la chose la plus importante de leur vie d'homme... ne se sont-ils jamais considérés en pères de famille, avant d'être "les chefs", de la commune, ou de n'importe quel service ? Leurs enfants obèses, gonflés comme des caricatures américaines, qui n'en peuvent plus de ne pas exister, et qui mangent, qui se gavent, pour mieux indiquer à leurs parents inattentifs le gigantisme de leur malaise, jusqu'à finalement donner en public cette sensation à leurs "illustres" pères: cette gène perceptible par tous ceux qui les entourent dans ces rares moments où les élus osent encore afficher leurs blessures: leur famille. Soudain, ces hommes charismatiques sont faibles, hésitants, dans un embarras contre lequel ils s'efforcent de lutter... Mais la présence de leurs enfants est une libération pour leur bienveillance, eux qui ont détruit des vies en exerçant leur pouvoir local, ou qui ont simplement anéanti leur famille, ils se retrouvent enfin devant leur propre juge : une conscience aussi atrophiée que sont démesurés les travers de leurs progénitures.

Mais, dès qu'ils se couchent, ils oublient cette conscience, ils oublient les enfants, les femmes, peut-être même oublient-ils le malheur de leurs maîtresses fidèles qui supportent discrètement la demi-vie imposée par des hommes qui manquent de courage, encore maintenant, au soir de leur immorale existence. Ils s'endorment, et effacent cette sensation désagréable que leur conscience a temporairement imprimée à leur esprit en osant se séparer du roc de dédain qu'ils s'étaient façonné, à l'abri dans leur sommeil, ils peuvent à nouveau rêver de leur vie triomphante de pouvoir et d'argent, de choses et de gens amassés, et ils peuvent enfin oublier ce qu'ils ont aperçu lors de cette gênante soirée en public: aux côtés de sa famille, ce petit homme honteux, sur la tombe duquel, ses enfants ne pourront soulager leurs peines. Cet échec concluant alors le cheminement de ce bonhomme corrompu.


Last night I saw upon the stair
A little man who wasn’t there
He wasn’t there again today
Oh, how I wish he’d go away

extrait de "Antigonish", William Hughes Mearns.

lundi 12 avril 2010

Aux élus qui pensent que l'administratif peut empêcher l'infraction pénale

Question écrite n° 01653 de M. Jean Louis Masson (Moselle - NI)

* publiée dans le JO Sénat du 30/08/2007 - page 1519

M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le fait qu'à la suite des élections législatives, toutes les questions écrites qui avaient été posées sous la précédente législature et qui n'avaient pas encore obtenu de réponse ont été déclarées caduques. Il lui pose donc à nouveau la question qui avait été adressée à son prédécesseur le 29 mars 2007 et à laquelle celui-ci n'avait pas répondu. Plus précisément, il attire son attention sur le cas d'un maire qui donne délégation à un de ses adjoints pour délivrer les permis de construire et qui se fait ensuite délivrer un permis de construire par ledit adjoint. En l'espèce, il y a là une violation du code de l'urbanisme (article L. 421-2-5) susceptible d'entraîner la nullité du permis de construire. Il souhaiterait savoir si cette faute administrative peut être cumulée avec une faute pénale correspondant au délit de prise illégale d'intérêt.


Réponse du Ministère de la Justice

* publiée dans le JO Sénat du 29/01/2009 - page 255

Le garde des sceaux, ministre de la justice, est en mesure de fournir à l'honorable parlementaire les éléments de réponse suivants. Selon les dispositions de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme, désormais reprises à l'article L. 422-7 du même code, entré en vigueur le 1er octobre 2007, lorsque le maire est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis, il ne peut délivrer cette autorisation. Il appartient en effet au conseil municipal de la commune de désigner un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire. Par conséquent, le maire qui donne une délégation à un de ses adjoints pour se faire délivrer un permis de construire ne respecte pas les règles du code de l'urbanisme et risque de voir le permis de construire annulé. La nullité sur un plan administratif, de l'opération dans laquelle un fonctionnaire ou un élu s'est immiscé n'est pas de nature à empêcher la caractérisation d'une infraction. En droit français, il n'est pas tenu compte, en effet, de la nullité ou de la validité des titres, actes et situations juridiques sur lesquels ou à propos desquels se commettent les infractions poursuivies. En conséquence, un maire qui s'accorderait à lui-même un permis de construire pourrait être poursuivi pour prise illégale d'intérêt. Dans le cas d'espèce évoqué par l'honorable parlementaire, le maire délègue sa fonction de délivrance des permis de construire à un de ses adjoints. La délégation de fonction à un adjoint ne peut intervenir que sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales. Or cet article précise que le délégataire agit sous la surveillance et la responsabilité du maire. Par conséquent, on peut considérer que, dans cette hypothèse, le maire conserve « la surveillance » de l'acte au sens de l'article 432-12 du code pénal et qu'il pourrait donc, sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, être poursuivi du chef de prise illégale d'intérêts outre l'annulation éventuelle du permis de construire sur les dispositions relatives à l'urbanisme.