dimanche 21 février 2021

Que mes mots rient...

Durant ces presque dix dernières années de silence, la plasticité neuronale aidant, mon cerveau a malheureusement perdu l'habitude de l'exercice d'écriture d'un efficace billet, dans un français confortable ou du moins intelligible. Une triste nouvelle m’impose cet effort.

De mon vivant, de nombreuses évolutions technologiques ont tari presque aussi rapidement qu'elles avaient fait apparaître des puits de savoir et d'échanges qu'ont été les prolifiques blogs des années 200x. Ils ont été remplacés par l'immédiateté du micro-blogging, et peut-être même que nous nous trouverions désormais à l'aube d’une transformation audiovisuelle alors que des "streamers", des "YouTubeurs" et bientôt de jeunes comédiens, danseurs et autres artistes sur TikTok fabriqueraient l'opinion dominante en ligne, ignorant tout des codes du passé, à l'instar de leur prédécesseurs qui avaient bouleversé les leurs, dans un inévitable bégaiement de l'Histoire de la communication de ceux qui n'ont pas été choisis.

Avant de parler de ceux qui n’ont pas été choisis, je devrais sans doute définir comment ont été choisis ceux qui s'exprimaient et qui avaient le bonheur d'être lus: ceux dont les CV étaient arrivés sur des bureaux parisiens après que leur propriétaires avaient eu l'opportunité de bonnes études , de correspondre au moule qu’un biais d'affinité autoriserait le recrutement le moment venu. Certes, tous ne réussissent pas leurs études, certains, et surtout certaines, auront avant, fait face aux difficultés d’un sexisme étudiant exacerbé, dont l'époque moderne se débarrassera, je l'espère, le plus rapidement possible. Ca, c'était le monde d’avant, où, ne nous mentons pas, être fils d'ingénieur, d’entrepreneur, d’enseignant (liste non exhaustive), facilitait énormément l'ascension sociale, jusqu’au niveau où sa parole publique pouvait être entendue, répétée, publiée.

Un paradoxe m’a fasciné très tôt: certaines fonctions comportaient tous les éléments autorisant une parole publique mais ne voyaient que très peu d'écrits sur les détails de leur exercice, et souvent dans une forme désincarnée de livre de mémoires ou d’autobiographie qui, par nature, arriveraient trop tard pour peser efficacement dans un nécessaire débat public. Ainsi, nous ne connaissions que très peu les détails de la fabrique de la loi, car les assistants parlementaires demeuraient silencieusement loyaux envers leur employeur, nous en savions peu sur l'exécution de la justice, car le secret professionnel laissait peu de place aux magistrats, avocats, experts, pour en partager les éléments quotidiens. Et je trouvais évidemment que la politique locale semblait beaucoup trop distante et silencieuse pour mes concitoyens, sachant par ailleurs l’impact qu’elle pouvait avoir sur leurs vies. Certes, de talentueux journalistes, tels que Pascale Robert-Diard ou encore Stéphane Durand-Souffland nous plongeaient dans leurs chroniques judiciaires, et de chanceux autres avec de bons réseaux recueillaient des “off” nous ouvrant parfois une fenêtre sur des mondes qui restaient par ailleurs étrangement obscurs.

Ce fut une chance incroyable que de voir l'émergence des blogueurs tels que Authueil, Maitre Eolas, Zythom, et tant d’autres, briser ce silence trop longtemps imposé à leur fonction. Connaître la vie des autres constitue une étape importante dans la construction d’une société empathique, et j’avais très tôt l’impression qu’ils facilitaient la compréhension des difficultés liées à l’exercice de leurs métiers dont nos concitoyens pouvaient auparavant questionner l'utilité ou la sincérité. Au risque de me faire qualifier d'idéaliste, je crois que l'amélioration de la communication permettant une reconnaissance de ce que vivent nos concitoyens est le ciment nécessaire à toute collectivité et notre dernière chance face aux extrémismes.

Parmi ces blogueurs, ces non-choisis de la communication publique, qui avaient décidé de mettre en lumière les ombres de notre système, certains sont allés plus loin que d'autres, en portant la parole, et surtout les histoires de ceux qui ont moins que rien. Certes, on a pu lire par le passé, de très grands écrivains nous offrir les histoires de misérables, mais celui auquel je souhaite rendre hommage aujourd'hui nous offrait les horribles histoires de ceux que nous qualifierions trop rapidement de monstres.

Maître Mô, non seulement nous ouvrait une fenêtre sur la vie, la souffrance de ceux qui avaient peu ou rien, mais surtout, sa lecture nous rappelait, et nous rappellera toujours, constamment les héros et les horreurs qui se cachent sous les visages des autres… humains.

Tu nous manqueras terriblement, Mô.

Après un si long silence, j'aurais tellement voulu pour un billet de retour, que mes mots rient.

mercredi 20 avril 2011

Mes plus plates excuses...

C'est une immense culpabilité qui me pousse à écrire ce billet, alors autant m'en débarrasser dès le titre et l'introduction: à tous ceux qui me lisent, ou qui ont prêté attention aux divagations absurdes de cet élu d'opposition inutile (en existe-t'il un seul qui le soit?), pardon pour mon absence prolongée.

Comme il serait commode de me justifier à grands renforts d'emploi du temps ingérable: la naissance du plus beau bébé du monde (ex-aequo avec les deux précédents), mon investissement dans une infructueuse campagne électorale pour ravir mon canton au candidat sortant, mon employeur qui supporte de moins en moins cette activité politique bénévole. Quelle facilité, et quel mensonge que d'imaginer pouvoir résumer ainsi la simple aridité des idées que j'avais pris l'habitude d'exposer.

J'admire FalconHill, Zythom, Authueil, ou d'autres, blogueurs féconds de la première heure, rompus à une discipline d'écriture que j'ai du mal à imaginer. La fausse simplicité avec laquelle ils publient leur pensée m'agace, m'exaspère parfois, me frustre assurément.

Pourquoi continuer d'écrire dans ce blog si je n'(en?) éprouve plus aucun plaisir? J'avoue avoir du mal à donner du sens à ma démarche, et ce qui me semblait naturel hier est une torture pour mon esprit fatigué aujourd'hui.

Et puis, il y a le micro-blogging. Quelle horrible dénomination pour simplement définir une forme de discussion sur Internet. Twitter me fait énormément penser à une version moderne de l'IRC. Pour ceux qui ne connaissent pas IRC (Internet Relay Chat), sachez qu'il est souvent considéré (à tort) comme l'ancêtre du "chat" de type MSN, en réalité IRC comprend des possibilités de discussions publiques, privées, par thème, avec un semblant de modération... Bref, Twitter en est un genre de version "web", où chacun d'entre nous se situe dans un canal de discussion personnalisé avec les gens qui l'apprécient et qu'il apprécie.

Ce micro-blogging n'a rien du blogging, on y fait des bons mots, on y commente l'actualité en direct, mais, est-ce qu'une pensée se forme de cette activité collective? C'est ce qu'on voudrait tous croire. Le courant des messages que j'écoute et contribue, c'est une nuée d'étourneaux politiques qui passent des commentaires sur les Questions au Gouvernement de l'Assemblée Nationale, aux émissions plus ou moins politiques: Le Grand Journal, Ce Soir Ou Jamais, les interviews d'Aphatie, etc. Nous faisons tous la même chose, en même temps, tous ensemble; c'est insensé. Très éloigné de l'intelligence collective d'une fourmilière ou d'une ruche, nous ne bâtissons rien, nous courons après l'information comme un troupeau de mouton après le grain. A nous tous, nous formons l'écume de l'écume des jours, une petite mousse qui se forme à la surface de celle qui recouvre déjà le quotidien.

Nous inspectons l'actualité sous toutes ses coutures, pour mieux l'appréhender, terrorisés que nous sommes qu'elle puisse manquer de clarté: nos esprits ne peuvent être confus, si notre époque ne nous le semble pas.

Je divague déjà. Vous voyez comme il est difficile de coucher sa pensée sur son blog. Je réessayerai plus tard.

Encore pardon.

dimanche 5 septembre 2010

Narcissisme et politique

Le mythe de Narcisse, dans ses différentes versions, se conclut invariablement sur la découverte de son reflet et la fin tragique qui en découle. La vie politique et les rencontres qu’elle provoque, nous montre que dans la pratique, l’amour de sa propre image est souvent un début, rarement une fin.

Guillaume est un trentenaire parisien, il a longtemps hésité entre un avenir littéraire et une carrière scientifique, mais comme de nombreux jeunes de son époque, tombés dedans petits, il se destina à l’informatique. Il avait une voix de radio, et un physique de télévision: Le cocktail détonnant. À la fac, il découvrit que son attraction naturelle permettait de réunir les gens autour de lui, d’abord pour faire des conneries de jeunes, mais parfois, lors des soirées alcoolisées ou plus simplement entre geeks, il avait l’impression que quelque chose d’important se produisait: son avis comptait.

Henri, soixante ans bien tassés, a eu une enfance difficile. Son père enseignant dans l'école du village, une infirmité physique, sa petite taille et sa voix de crécelle firent de lui la risée et le bouc-émissaire de ses camarades de classe. Son instruction impeccable eut pour effet de le propulser dans les hautes sphères intellectuelles du monde rural où il vivait, de sa dure vie en communauté due aux brimades et bizutages, il apprit à se faire discret auprès des masses et favori des plus influents et des plus forts. Ces nombreux atouts lui permirent, dans les années 80, de devenir un « collecteur » de fonds prudent pour son parti politique. Disposant ainsi des cordons de la bourse, et d’une dialectique efficace, il découvrit un phénomène étrange: son avis comptait.

Guillaume a vécu une période grisante pour les jeunes informaticiens arrivés sur le marché du travail dans les années 2000: Tout est démesuré, irréel. Chacun monte son entreprise, et chaque entreprise dispose tantôt du meilleur PDG, tantôt du plus grand expert dans son domaine, des fois les deux. Il est facile d’y perdre rapidement le sens des réalités en ne côtoyant que des personnes présumées exceptionnelles et somme toute, banales. Dans cette jeune entreprise de la Côte d’Azur, dans laquelle un fond avait investi des millions d’euros, Guillaume se mit alors à faire ce qu’il savait le mieux: mettant en valeur son amour de lui-même, il expliquait à qui voulait l’entendre comment il aurait pu devenir le nouvel Apollinaire. Au paroxysme de son amour-propre, il lui prit aussi l’envie, un soir, au bureau, dans un dérapage parfaitement contrôlé, d’exhiber son corps en courant, nu, dans les couloirs de sa start-up sous les yeux complexés et gênés de ses jeunes collègues. Mais après tout, n’était-il pas le plus bel homme jamais vu?

Henri, le fils prodigue ayant réussi « à la grande ville », brigua rapidement la mairie de son petit village. Il convainquit les anciens que ses compétences seraient plus utiles qu’une quelconque expérience de la commune, et gagna ainsi son premier mandat, par forfait. Pour les élections suivantes, il lui aura suffit de jouer sur les divisions naturelles de la population: catholiques contre protestants, chasseurs contre écologistes, etc. Cette stratégie, longtemps éprouvée, empêcha de former une liste cohérente contre lui. Cependant, cette vie publique locale ne lui suffisait pas, il lui fallait jouer plus grand. Il devait trouver une tâche d’envergure départementale, et pourquoi pas nationale. Après tout, n’était il pas l’un des meilleurs éléments dans les finances de son parti?

Devant la réalité qui reprenait sa place au sein d’une jeune entreprise aux difficultés économiques de moins en moins dissimulées, Guillaume décida qu’il ne fallait pas associer cet échec à son parcours, il rejoignit une entreprise plus ancienne et solide. De retour « à la capitale », peut-être pourrait-il enfin laisser la place à ce littéraire qui l’habitait. Mais pour que son avis compte encore et pour mettre à l’épreuve son charisme, il décidait de saisir, comme de nombreux jeunes de son époque, l’opportunité que la classe politique nationale aborde le thème de l’informatique. Il prit le train en marche, d’un combat associatif et politique qui consentirait à finalement exposer sa personne, en cette année 200x.

Alors qu’il prenait ses marques dans les fonctions de maire, au moment où étaient ressentis les effets de la loi Defferre qui consacrait le premier magistrat de la commune, Henri comprit que les structures associatives de ces élus, lui permettraient d’exercer un pouvoir national. Et alors qu’il n’était que financier et collecteur de fonds sur des marchés publics liés à l’informatique, malgré des lacunes techniques, il manie suffisamment bien le vocabulaire en cette année 198x, pour tromper son monde et saisir l’opportunité de se mettre sur une niche politique où peu d’élus locaux, et encore moins ceux de son voisinage rural, y comprennent quelque chose.

Aujourd’hui, en 2010, contraint comme tous les jeunes politiques à l’envergure, ou plutôt, à l’ambition, nationale, Guillaume se saisit de chaque sujet d’actualité sur twitter ou sur son blog, pour exprimer son opinion, ou souligner celle d’un hypothétique mentor. Son militantisme abêtit sa réflexion, et son narcissisme pollue son argumentation; Henri, lui, attend patiemment que les opinions se forment pour s’approprier les meilleures, il n’a aucun dogme: Si le réchauffement climatique lui permet d’éco-blanchir un projet local, il sautera sur l’occasion sans état d’âme, et si la tendance locale est à la détestation des éoliennes, il les combattra vigoureusement, en se positionnant sur l’hydro-électrique ou le nucléaire. Le système qui nous est légué aujourd’hui confine les politiciens dans des postures démagogiques d’une manière (débutante) ou d’une autre.

Qu’ils soient à l’origine des narcissiques, ou bien qu’ils le soient devenus, les Henri, les Guillaume, représentent la perversion de la démocratie. Il est souhaitable que le peuple choisisse ses élus sur leurs principes, leurs convictions et enfin leurs idées, il ne sert à rien d’en inventer de nouvelles ou d’en déguiser d’anciennes. Par analogie avec la politique nationale: vouloir faire une loi en se basant sur un événement rarissime bénéficiant d’une éphémère popularité revient à souscrire une assurance pour se prémunir de la chute de météorites sur sa maison. Il en va de même, par exemple, lorsqu’un avion s’écrase, emportant un chef d’État européen avec lui et que tous les démagogues de services demandent un deuil national dans chaque pays européen. Pourquoi vouloir donner du sens à des vicissitudes qui n’en ont aucun?

Nous ne sommes pas élus parce que nous sommes beaux, talentueux, ou intéressant. Nos idées peuvent l’être. Elles sont belles, astucieuses ou fascinantes. Elles le seront plus encore quand elles auront contribué à une victoire politique, car elles seront alors les idées de tous les électeurs.

Ce sont les idées que l’on partage sincèrement, et non pas les artifices démagogiques, qui comptent, il faut admettre que l’on peut « perdre », que les électeurs pensent différemment. L’oublier reviendrait à enfermer votre vie politique toute entière dans l’instant qui sépare la fin de Narcisse de la découverte de son reflet: vous n’aimeriez jamais que l'image de vous-même.

lundi 14 juin 2010

Un maire pris la main dans le C.E. !

Encore un billet sur l'argent et les élus, c'est plus léger, presque plus amusant que d'habitude. J'ai essayé d'anonymiser un peu le contenu d'une amusante brève que j'ai lue la semaine passée, afin de ne pas sombrer dans le lynchage facile, et d'ailleurs ce n'est pas le but de ce blog.


Récemment, le Conseil d'État (C.E.) examinait le recours d'une petite mairie rurale, visant à annuler un décret authentifiant les chiffres des populations de France (métropole, départements d'outre-mer, Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) en ce qu'il a authentifié les résultats du recensement général de la population de la commune.


Rien que ça. Et pourquoi donc?

Le maire saisit très sérieusement la plus haute juridiction administrative en France, et lui demande de dire et juger que la population de son village s'élève à 500 habitants "et quelques" conformément au recensement opéré 2 ans plus tôt. Le Conseil d'État a donc très sérieusement examiné le recours de cette mairie - j'attends la publication de l'avis... toujours pas en ligne - . Ils attribuaient un peu plus de 450 habitants à cette commune rurale, ce qui agace sévèrement le maire au regard du travail qu'il considère avoir engagé pour faire avancer le territoire.

Lui et sa municipalité évaluent à plus de 500 le nombre d'administrés.


Évidemment, cela n'a rien à voir avec le fait que le régime indemnitaire du maire augmente de 80% au delà de cette tranche fatidique (passer de 499 à 500), et que les indemnités de ses adjoints peuvent monter de 25% (source: mon billet sur la question).

Cher lecteur, pas la peine de googler pour connaître la commune en question, le but de ce billet n'est pas d'être mesquin, ni de dénoncer tel ou tel de mes petits camarades. Il pointe juste une dérive, et comme toujours dans ce cas là, c'est à cause d'une règle stupide: un système de seuil, non-lissé, qui fait que, quand on passe d'une tranche à une autre on y gagne ou on y perd, beaucoup. Peut-être est-il temps de revoir ces règles, en profitant de l'opportunité qui est donnée aux parlementaires d'aborder la question des collectivités locales.

Le journaliste reprenant cette actualité anodine, sous-entendait que la volonté réelle des élus pouvait être d'augmenter la Dotation Globale de Fonctionnement (la fameuse D.G.F., cette recette que l'État donne à chaque collectivité selon une deux un paquet d'équations pour assurer son fonctionnement). Alors là, permettez-moi d'en douter. Déjà, il faut bac+18 pour comprendre la façon exacte dont la D.G.F. est calculée, alors qu'en sortant de l'école primaire, on comprend déjà l'intérêt de gagner 80% de plus. Et si on peut imaginer améliorer de presque 32000­ euros la dotation en franchissant ce seuil de 500 habitants (gain dans la composante dotation de base de la dotation forfaitaire), il faut comprendre que c'est au détriment de la fraction de péréquation qui compose la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation qui "lissent" ces recettes des communes (sources: , ici, et aussi par , bon courage! Et encore je ne vous ai pas mis la Dotation de Solidarité Urbaine, car elle ne s'applique pas dans notre exemple).

jeudi 10 juin 2010

E.P.C.I: Délégations, Indemnités

Derrière ce titre énigmatique, médiocre tentative d'alexandrin, je veux, une fois de plus, parler "fric et élus". (encore trois millions et quelques, et vous allez finir par vous croire en Égypte ou devant Le Cid).

Lorsque les élus locaux rencontrent leurs parlementaires, en pleine réforme des collectivités, quelques questions se répètent:
D'abord, évidemment, l'aspect financier et investissement, les conseils généraux et régionaux, vont-ils pouvoir continuer à co-subventionner les projets communaux ou intercommunaux? Réponse courte qui nous a été faite: non, les conseils généraux donnent l'impression d'être saignés financièrement par le R.S.A., et annoncent déjà des arbitrages sévères à l'égard des subventions aux communes et des associations, qui ne relèvent pas de leur compétences obligatoires.
Ensuite, sur le mode de scrutin: Il est évident que nous tenons à savoir à quelle sauce nous serons mangés aux prochaines élections (<caliméro>enfin, en ce qui me concerne, je ne pense pas arriver à trouver l'énergie nécessaire pour un second mandat, opposition ou non d'ailleurs, trop de réunions, trop de soucis, trop de trucs à apprendre et à lire, que je fais aujourd'hui gratuitement, et c'est pas les 5 ou 6% de revenus supplémentaires max que ça apporterait à mon ménage si j'étais maire ou adjoint, qui feront la différence</caliméro>), certaines questions ont donc porté sur les établissement public de coopération intercommunale ( E.P.C.I. ) et les changements que la future réforme pouvait leur apporter. Notamment la stabilité et la démocratie (rien que ça): aujourd'hui, les élus des communauté de communes (ainsi que d'agglomération, et urbaines), sont désignés par les conseils municipaux, et non par les électeurs directement. Ce système de "grands électeurs" serait moins imparfait s'il ne soumettait pas les élus intercommunaux aux désidératas des conseils municipaux, comme je l'avais expliqué ici. Et puisque les "com'com" (petit nom gentil que nous donnons aux communautés de communes) sont en train de devenir les acteurs clefs des investissements locaux, il serait effectivement intéressant de redonner aux électeurs la possibilité de choisir directement qui va mener cette politique (et qui va voter les impôts dans ces établissements à fiscalité propre).
Enfin, entre autres (nombreux) problèmes survenus au sein de nos communautés de communes, il y a celui de la délégation d'une fonction à un conseiller communautaire non vice-président. Nous ne sommes définitivement pas traité de la même manière dans les petites communautés de communes que dans les communautés d'agglomération ou urbaines; alors que ces deux dernières bénéficient de la transposition complète des articles relatifs aux communes pour la délégation par arrêté, sous certaines conditions, d'une partie des fonctions du maire (respectivement président de l'E.P.C.I.) à des membres de son conseil autres que ses adjoints (respectivement vice-présidents): La délégation est toujours possible, mais là où le conseiller municipal, ou le conseiller de communauté d'agglomération ou urbaine, bénéficie d'un régime indemnitaire et d'une protection pénale, le conseiller communautaire est lui, si vous me permettez l'expression "en slip".

Je vous entends au fond là-bas : "Oui mais vous n'aviez qu'à pas distribuer les vice-présidences comme des petits pains, et garder les délégations pour les vice-présidents.".
C'est vrai, nous l'avons cherchée, cette situation à la ... noix. Le seul moyen de convaincre les élus ruraux de s'engager dans la création d'une communauté de communes, à cette époque, était de faire croire à un simulacre d'égalité entre leurs villages, d'une part en répartissant le nombre de conseillers de manière amiable ou par calcul simple, dans le genre "chaque commune aura X conseillers, pas un de plus, pas un de moins" (ou encore en fonction de la population de chaque commune) tout cela conformément à la loi (article L5214-7 du Code général des collectivités territoriales), d'autre part, l'illusion de l'égalité était agrémentée, hélas, du cadeau empoisonné d'une vice-présidence pour chaque commune (rien n'est inscrit dans la loi, mais je vous invite à mener une petite enquête dans les communautés de communes vous entourant). Simulacre, illusion, car, ce qui pourrait symboliser une réelle solidarité entre les communes s'apparente en fait, à un mariage forcé: Chaque commune s'accroche à sa dotation générale de fonctionnement, sans mettre un sou dans un projet communautaire qui aurait lieu ailleurs que chez elle, donc les communes à faible D.G.F. trinquent, comme d'habitude, rien de neuf. De vagues projets sont menés ici et là par l'E.P.C.I., pour dépenser la carotte dont l'État dote les communautés de communes afin de les rendre attractives, une commune participe dans le cas où le projet en question et chez elle, sinon, rien.

Les vice-présidences, comme les postes d'adjoints dans un conseil municipal, sont limitées à 30% de l'effectif du conseil (articles L2122-2 et L5211-10 du C.G.C.T.). Le bon sens anime le maire rural lorsqu'il choisi parmi ses rares conseillers (dont l'effectif légal est défini par le tableau présenté dans le L2121-2 du C.G.C.T.) ceux à qui il attribuera quelques fonctions essentielles (travaux, urbanisme, etc.) selon leurs compétences, parfois même il aura conçu son équipe municipale sur la base des compétences de chacun. En revanche, c'est le jeu politique qui guide le président de l'E.P.C.I., parfois contraint à respecter des règles, qu'il sait illégales, écrites dans les statuts de sa collectivité. Car le dernier mot doit revenir, en principe, au conseil de la communauté de communes : "Le bureau de l'établissement public de coopération intercommunale est composé du président, d'un ou de plusieurs vice-présidents et, éventuellement, d'un ou de plusieurs autres membres. Le nombre de vice-présidents est librement déterminé par l'organe délibérant, sans que ce nombre puisse excéder 30 % de l'effectif de celui-ci.". selon l'article L5211-10 du C.G.C.T. , dura lex, sed lex. Le président compose donc, entre ses cadeaux aux communes et les compétences dont dispose l'E.P.C.I. , et un jeu de chaises musicales débute: un élu de chaque commune prend une vice-présidence (l'élu en question est souvent choisi par la commune, d'ailleurs), on doit ensuite l'asseoir sur la fonction qu'il remplira de la moins pire façon... un cauchemar. La seule marge de manœuvre, c'est de mettre les fonctions les moins importantes aux vice-présidents (un comble donc, le parfait opposé de ce que fait un maire dans son conseil), afin que tous les vice-présidents aient une fonction, pour pouvoir déléguer à un conseiller, qui sera de fait, membre du bureau, une attribution essentielle.

Contrairement à ce que prévoient respectivement les articles L. 2123-24-1, L. 5215-16 et L. 5216-4 du C.G.C.T. pour les élus des communes, des communautés urbaines et des communautés d'agglomération ayant reçu délégation de leur président, il n'est pas prévu que les élus d'une communauté de communes, autres que les vice-présidents, ayant reçu délégation, puissent percevoir une indemnité. Cependant, le décret n° 2000-163 du 28 février 2000 pris pour l'application de l'article L. 5211-13 du code général des collectivités territoriales et relatif au remboursement des frais de déplacement engagés par les membres des conseils ou comités des établissements publics de coopération intercommunale précise qu'il est possible d'indemniser un conseiller communautaire pour l'ensemble des déplacements qu'il pourrait avoir sur les communes (différentes de celle de son lieu de résidence), c'est vraiment le minimum, et n'encourage pas l'élu si la fonction est lourde.

Mais revenons-en à nos moutons, ou plutôt nos conseillers (même si dans certaines collectivités moutons et conseillers sont interchangeables, tant les barons locaux ont usé leur personnalité), il faut qu'ils s'attendent à être tondus en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que le conseiller communautaire non vice-président, ayant reçu une délégation, n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait (selon l'article 121-3 du Code pénal, je chasse sur les terres d'Eolas, j'avoue que j'ai peur d'écrire une connerie), alors que le conseiller municipal ayant reçu délégation, l'adjoint, ou le maire, sont protégés, sous certaines conditions, du troisième alinéa du 121-3 du code pénal, (par l'article L2123-34 du C.G.C.T.), et que le président et le vice-président de la communauté de communes sont protégés itou (par l'article L5211-15 du C.G.C.T.), le conseiller communautaire non vice-président, ayant reçu une délégation, lui, n'a rien.

Je résume, indemnisation minimum de ses déplacements, responsabilité juridique accrue, le conseiller communautaire non vice-président est "en slip", comme je vous disais.

Bon je vais clore ce billet un peu technique par une petite moquerie gratuite, car oui, ce sujet est en effet tellement technique que des assistants parlementaires, du même genre qu'Authueil, mais pas lui car il est grand, beau, et fort, et qu'il me doit un verre, se sont emmêlés les pinceaux dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, hou le vilain copier-coller qui ne tient pas compte du contexte, "Par ailleurs, l'article L. 2123-24 du CGCT prévoit que le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article" est-il écrit, oui sauf que c'est pas de "ce même article", qu'il s'agit, mais de l'article 121-3 du code pénal qui n'est pas précité dans cet exposé des motifs. Carton jaune! En parlant de jaune, je boirais bien un petit pastis. Authueil?

jeudi 27 mai 2010

Brève sur la proposition de loi du sénateur Jean-Louis Masson

Lorsque j'ai entendu parler de cette proposition de loi, ma première réaction a été excessive, comme beaucoup, j'ai cru y voir un projet liberticide.

Obliger à accrocher l'identité d'un auteur à ses propos m'a ensuite paru idiot. D'abord, parce qu'il est impossible pour la plupart d'entre les blogueurs d'exposer le fonctionnement interne de certaines professions ou fonctions, pour des raisons de loyauté envers l'employeur, de secret professionnel, etc. Ainsi, il me semble que la compréhension dont on peut bénéficier sur ces domaines serait donc légalement inaccessible, sauf évidemment, par le biais du journalisme traditionnel qui voit ses sources protégées.

Ensuite, il ne faut pas oublier que la grande majorité de blogueurs anonymes ne diffament pas puisque leurs propos ne renferment l'imputation d'aucun fait, il convient de requalifier le délit en injure publique. Dans les deux cas, injure ou diffamation, une difficulté subsiste lorsque le blogueur anonyme fait évoluer dans ses billets des personnages eux-aussi, anonymes, non-identifiables (modification de l'age, du sexe, etc.). Et rien ne s'arrange non plus, quand le blogueur décide de romancer ses histoires dans des billets qui prennent ainsi une tournure plus littéraire qu'informative.

Il est d'ailleurs intéressant de voir que dans ce cas précis où quelqu'un se reconnaîtrait dans un récit entièrement anonyme (auteurs et personnages) qui imputerait des faits à son alter ego numérique, il reconnaîtrait ainsi les faits imputés (la diffamation tomberait donc sous l'excuse de vérité des faits). L'obligation d'identifier l'auteur, ici, permet de pouvoir l'attaquer en expliquant que l'on s'identifie dans ses propos d'abord parce qu'on le connaît (et pas parce que l'on avoue les faits rapportés).

Une petite bibliographie (blogliographie?) sur ces sujets passionnants:
Sur la différence entre injure et diffamation: http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/08/18/La-saison-des-palmes
Sur l'identification, avec un excellent exemple qui tape un peu sur embruns : http://www.maitre-eolas.fr/post/2008/03/24/905-blogueurs-et-responsabilite-reloaded

jeudi 29 avril 2010

Fumante cacophonie électorale

Il est un comportement que nous observons fréquemment quand un éventuel candidat à une élection s'exprime: ce sont les grandes reculades, les nombreux rétro-pédalages, les annonces suivies de démentis. Prenez, comme récent exemple national, le fameux démenti de Carla Bruni (s'exprimant au nom de son mari) sur l'"inimaginable" enquête de police autour de LA rumeur, démenti se télescopant avec les indications du patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) au site Mediapart, puisqu'il y expliquait que ses services essayaient de "déterminer d'où étaient parties ces rumeurs". Ce désordre laissa rapidement place, selon les confidentiels du Figaro, à une retraite qui n'est pas sans rappeler la tactique militaire de la terre déserte, alors même que certains commençaient à lancer l'idée de primaires à l'U.M.P. . Parfois, dans ces périodes pré-électorales, les analystes, journalistes politiques ou simples observateurs s'agacent de cette prudence exagérée lors de la composition des listes de candidats.

Et bien, sachez que pour les élections aussi anodines que celles d'un président d'une toute petite communauté de communes, j'ai pu remarquer exactement la même attitude. En fait, si vous avez la chance d'assister à la désignation de ce président, vous avez peut-être compris que tout s'est joué en bureau restreint, en "off" pour reprendre un terme à la mode, afin d'éviter un scandale, et de ne pas afficher une désunion du conseil communautaire. Parfois un outsider, un franc-tireur, une commune isolée dans notre cas, veut tâter le terrain: des gens lancent le nom de leur candidat fétiche, alors même que ce dernier assure de son soutien total le candidat du consensus de la communauté. Ce double discours, comme dans la politique nationale, peut viser de multiples objectifs: le premier, c'est le fumigène, le temps passé pour démêler le faux du vrai n'est pas utilisé pour travailler; le second, c'est la franche reculade face à la grosse bêtise, esquiver l'aveu d'un bluff, en le faisant endosser par un autre; dans le cas de mythomanes pathologiques, comme ceux dont je parle souvent, nous pourrions être dans une inutile tentative de manipulation, visant à diviser la communauté en encourageant d'autres communes à, elles aussi, proposer leur candidat. Espérant ainsi établir une triangulaire, ce genre de Machiavels en carton-pâte rêvent peut-être de gagner cette élection sur la majorité relative en trois tour, ou pire, l'élection du candidat le plus âgé en cas d'égalité des voix (article L2122-7 du Code Général des Collectivités Territoriales, applicable aux maires, transposable aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale par l'article L5211-2 du même code).

Pour une ancienne petite baronnie locale, où le monarque à la retraite, essaye de continuer de tirer les ficelles, puisqu'il a engagé l'avenir de sa commune sur deux ou trois projets portés financièrement par l'E.P.C.I. en question, ces élections sont vitales. Mais la vision de baron fatigué est courte, car il est aveuglé par la reconquête d'un pouvoir qui lui échappe, et par capillarité, qui échappe à sa propre commune, car chaque conseiller de sa majorité municipale, qui la représente au conseil communautaire, est immanquablement lié à l'image de ce précédent Maire, ce qui exclue d'office leur candidature à la présidence. Les enjeux sont encore plus important dans certains cas: Souvent, si un président de communauté est maire d'une des communes, sa gestion peut sembler centrée autour de sa commune, et parfois les autres conseillers de l'E.P.C.I le lui reprochent, soit parce qu'elle est déjà géographiquement centrale, ou alors c'est déjà la plus riche, etc. Tous les moyens sont bons pour tirer la couverture à sa petite commune désœuvrée qui n'a pas autant qu'elle mérite (oui, malheureusement, dans communauté de communes, les élus oublient souvent que le premier mot n'est pas commune). Et si il y a pire qu'un Maire pour exercer le mandat de président de communauté, c'est bien un futur maire, sa gestion sera tout entière calquée sur un agenda dans le seul et unique but de présenter un bilan exceptionnel à sa commune au moment des municipales suivantes.

La leçon que le baron local aura reçu le jour de cette élection et durant tout le mandat de cette intercommunalité, c'est qu'il aurait du prendre de plus gros risques pour que sa commune conserve son influence. Et prendre des risques, dans ce "métier", c'est viser la pacification des relations en apportant des garanties solides, ne plus persévérer dans des manipulations qui ne tiennent pas une journée tellement il est devenu lisible pour la plupart des élus du voisinage...

Quelquefois, prendre des risques, c'est se calmer.