mardi 16 février 2010

Grands changements sur les petits marchés publics

L’article 1 du Décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008 avait relevé le seuil des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence de 4 000 €HT à 20 000 €HT (Article 28 du Code des marchés publics).

Ce seuil permet, par exemple, à un Maire de donner un chantier à son gendre (son voisin, son frère ou son entreprise fétiche qui lui permet de dissimuler un endettement élevé en lui attribuant un grand nombre de chantiers pour s'arranger sur les prix suivant l'encours de la dette réelle), dès lors que ces travaux engagent une dépense inférieure au seuil, et ce, sans justifier d'une préalable mise en concurrence, ou publicité du marché: Autrement dit, on se téléphone, on travaille ensemble, et tant pis pour les autres entreprises et artisans qui auraient pu être moins-disant.

Ceci était sans compter la pugnacité d'un avocat "ayant vocation à passer des marchés de prestation de service avec des collectivités territoriales ou de conseil de ces mêmes collectivités, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la disposition attaquée", si je comprends bien cette décision du Conseil d'État. Ainsi, la plus haute juridiction administrative en France décide que, "sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, le décret du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics est annulé, en tant qu’il relève le seuil applicable aux marchés passés selon la procédure adaptée fixée à l’article 28 du même code, à compter du 1er mai 2010."

En plus d'être des excellents blogueurs, si les avocats deviennent d'efficaces soldats dans la lutte contre la corruption dans notre pays, je vais finir par envisager une reconversion!

11 commentaires:

  1. Oui... Mais bon, la perpétuelle mise en concurrence, je ne sais pas si c'est vraiment un bien...
    Comme je pense que tous les maires, élus, responsables de marché dans l'industrie ou les collectivités locales, soient ce que tu sembles présenter. Si le gendre fait un mauvais boulot, il sera pris peut être un fois, mais pas deux...

    Mais oui, faut lutter contre toutes les formes de corruption.

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  2. Ici il ne s'agit pas de comparer deux qualités de travail. Mais si, pour un résultat identique tu donnes plus d'argent à un proche ou à quelqu'un dont tu attends un geste en retour (même s'il ne s'agit pas de prise illégale d'intérêt), c'est une forme de corruption qui nuit au marché.

    Je ne fais pas de mon cas particulier un cas général, cependant, essayons de voir, dans le monde rural (et ses nombreux petits marchés, plutôt que d'énormes marchés publics dont je ne connais pas les rouages) les effets de cette décision durant les mois qui viennent.

    Et je dois reconnaître que j'ai un petit côté libéral (sur cet aspect d'économie réelle, rien à voir avec le marché boursier et ses récentes dérives) qui doit forcément titiller ton penchant gaulliste ;-)

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  3. Et voilà, faut refaire une fois de plus la délibération définissant les règles de publicité de passation des marchés publics de la collectivité.

    Bon, on commence à en avoir l'habitude....

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  4. "Mais si, pour un résultat identique tu donnes plus d'argent à un proche ou à quelqu'un dont tu attends un geste en retour, c'est de la corruption".
    Oui, c'est vrai.

    Et c'est vrai aussi que le coté libéral dans le sens "concurrence toute" titille non seulement mon coté gaulliste, mais aussi mon coté du gars qui passe pas mal de marchés d'études et de travaux (dans ma société mais aussi pour les collectivités où je suis), et qui aime bien les choses un peu pratique.

    Je suis d'accord sur le fait qu'il faut sanctionner férocement la corruption. Mais donner un peu de "liberté" sur les modes de choix des sous traitants n'est pas forcément un mal non plus.

    Sujet pas évident

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  5. @ FalconHill : Sujet pas évident ? L'augmentation était quand même conséquente, multiplier un seuil par 5 sans aucune procédure de publicité ou de mise en concurrence, c'est quand même très fort pour un gouvernement de droite !! Tout ça au nom de la relance, quand il existe quand même des procédures allégées de publicité et de mise en concurrence, sans aller jusqu'à la procédure d'appel d'offres la plus lourde.

    A l'heure où les finances publiques, locales comme nationales, ne sont pas en très bonne santé, permettre ce genre de pratique n'est pas d'un intérêt évident, à part pour les accords entre élus locaux et entrepreneurs locaux...

    Même un simple particulier va demander plusieurs devis pour des opérations de ce montant, et s'il le fait c'est dans son intérêt : obtenir la meilleure prestation au moindre coût.

    @ Elu local : Bien sûr que les avocats peuvent faire d'efficaces soldats dans la lutte contre la corruption, enfin ceux qui ont une morale ^^

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  6. Non, le sujet n'est pas évident. On peut caricaturer, oui, on peut.
    Mais non, en pratique, le sujet n'est pas si évident que ça.

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  7. Bonsoir,

    En tant que pratiquant régulier du code, les règles que ma collectivité s'impose à elle même sont les suivantes: mise en concurrence des prestataires dès le premier €, soit sous forme de plusieurs devis si on est inférieur aux fatidiques 4000€ pour l'année, et on y très vite dans mon domaine, soit avec des marchés à procédure adaptée, ou des appels d'offres selon les seuils. On peut effectivement choisir un prestataire à priori sans mise en concurrence, mais il faut avoir une justification en béton (article 32 et 35 du CMP).

    D'un autre côté, les accords entre prestataires pour gentiment se partager les marchés, les rarissimes pressions des politiques sur le thème "faut bien faire travailler les entreprises locales", les critères "techniques" plus ou moins clairs qui permettent de bidonner les résultats sont toujours des portes ouvertes à des pratiques douteuses.
    Alors même si ce n'est pas facile humainement de dire "tu n'est pas le meilleur" à un prestataire avec lequels on peut avoir sympathisé, même s'il est parfois plus simple de prendre la personne avec laquelle on a déjà travaillé, il suffit pourtant de dire simplement "non" et en cas d'insistance de la hiérarchie de parler un peu plus familièrement. Le terme "chambre régionale des comptes" est magique surtout en période électorale.
    Encore faut-il que les magistrats aient les moyens de faire leur travail à fond et que les fonctionnaire ne confondent pas leur statut et celui de valet. J'aime espérer que c'est encore le cas. C'est aussi aux prestataires recalés de faire leur boulot et de demander clairement pourquoi, voire de faire annuler le marché.

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  8. @Monseigneur: "les rarissimes pressions des politiques sur le thème "faut bien faire travailler les entreprises locales"", mon expérience personnelle regorge de nombreux exemples de ces pressions. La palme, que j'aurais pu mettre sous la forme d'un billet "petite phrase" c'est un maire expliquant: "je préfère payer plus une entreprise du coin qui ne mettra pas longtemps à intervenir en cas de malfaçon, plutôt que de faire travailler moins cher quelqu'un qui vient de loin", pour des gros travaux, faut pas déconner, il y a des assurances, d'où que vienne l'entreprise nous sommes couverts.

    Ceci est assez cohérent avec une documentation des élus qui essaye de plus en plus de substituer le terme "mieux-disant" au "moins-disant", pourtant si le marché est bien ficelé, les divers documents bien rédigés, le mieux-disant est essentiellement moins-disant.

    La chambre régionales des comptes ne peut pas être saisie par n'importe qui (croyez-moi, j'ai déjà essayé), elle l'est par le Préfet. La préfecture doit pour cela être informée du marché, en cas de saucissonnage du marché public, elle ne dispose d'aucun document et donc ne peut exercer aucun contrôle à moins d'être saisie à son tour par un administré ou un élu.

    Dans les faits, j'ai constaté que la préfecture essaye toujours de régler à l'amiable avec l'élu, elle saisit rarement la Chambre Régionale des Comptes, même si la réputation de la collectivité ou de l'élu est sulfureuse.

    Quant aux fonctionnaires, ils sont tiraillés entre l'article 40 du code pénal qui leur impose la dénonciation des faits, et le devoir de loyauté envers l'élu, supérieur hiérarchique (cet équilibre ambigu fait toujours couler beaucoup d'encre dans la presse spécialisée des collectivités et des fonctionnaires).

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  9. Mon expérience des marchés me laisse penser qu'il vaudrait mieux relever le seuil à 7 ou 8.000€ car passer un marché est assez complexe et prend du temps, de l'énergie. Sur des gros marchés, je fais appel à un bureau d'études. Sur des petits, on bricole. À cause de la RGPP on a plus le personnel compétent sur ces questions. En même temps, l'État conclue de + en + de marchés nationaux et limite considérablement notre de marge de manœuvre, sauf pour ce qui concerne les marchés de travaux. Par contre, demander plusieurs devis, dès 500€, c'est systématique. Il ne faut pas oublier qu'on est dans une période où les budgets de fonctionnement diminuent. Quant à la corruption, je n'en connait pas à mon niveau.

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  10. Ici, on ne parle que de la publicité et la mise en concurrence: Ce que vous appelez "demande de plusieurs devis", assortis d'une publication simple. Rien à voir avec les lourdes procédures de marchés publics.

    Ce seuil qui se situait entre 20000 (désormais 4000) et 90000 euros, n'est qu'un retour (forcé) au bon sens: c'est la mise en concurrence "simple", et la fin du choix discrétionnaire de tel ou tel prestataire, dès que possible (500 euros c'est très bien aussi!).

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  11. Les marchés c'est bien, mais j'ai tellement vu de marchés attribués aux "copains" de tel ou tel elus. La rédaction du cahier des charges est tellement complexe dans la procédure que les clauses technique sont souvent du second plan. De plus certains acteurs qui pourrait répondre refusent, car c'est compliqué de bien répondre, et il y a les grosses boites (souvent du BTP) qui peuvent casser les prix. Quand aux assurances pour les malfaçons, les élus rechignent, de ce que j'en sais, de peur de se mettre en litige avec certaines (grosse) boites ou des amis (c'est ca de faire copains-copains, ou de faire bosser la familles).

    Je pense que la mise en concurence devrait simplement commencer dès le premier euro, et soit assez simple a faire au niveau de la procédure pour que le sujet du marché soit le principal sujet de discussion lors de la rédaction de l'appel d'offre. Les risques encourus en cas d'irrégularités volontaires dans la procédure devrait être quasi-disproportionné (genre prison sans sursis) pour que personne ne s'y risque, mais en contre partie d'une procédure simple et ouverte, facile a contrôler. La chambre régionale des comptes devrait pouvoir intervenir plus directement.

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