jeudi 23 avril 2009

Comment le loup fut invité dans la bergerie

Pendant que le Successeur faisait défiler des lignes sur l'ordinateur qui trônait fièrement sur son futur bureau, l'actuel Maire, le Baron, observait avec une tendre autorité, celle qu'un grand-père aurait pour son petit-fils, celui qui prendrait sa place. Ils n'étaient pas seuls, une forme d'exode rural à l'envers les avait flanqué d'une recrue de taille, en la personne d'un ancien homme politique de "la ville", fatigué des élus citadins et réfugié dans notre village: le "Directeur" est un nom qui lui correspond bien. Le Directeur, donc, connaissait tous les rouages des collectivités et des administrations, au moins ceux qui ont survécu aux rares réformes de la Chiraquie, car c'était un homme en retraite depuis une bonne quinzaine d'années déjà. Son seul autre désavantage étant de ne pas avoir vécu auprès de la population locale, sans quoi il aurait été, à coup sur le candidat idéal. A eux trois, âgés de près de 200 ans, une bonne centaine d'années d'expérience de la politique locale était en action en plein cœur du Bureau de la Mairie. Le Successeur, qui épluchait en fait, le fichier des électeurs dans un tableur, échangeait avec le Baron sur les possibles conseillers municipaux qui pourraient l'entourer, tout cela devant le regard approbateur du troisième :
- "Lui ?"
- "Non, il a démissionné du conseil à cause du changement que j'ai fait des horaires d'ouvertures de l'église."
- "Lui alors ?"
- "Non, tu sais bien qu'il ne vote pas pour nous, enfin, ressaisis-toi !"
- "On va jamais réussir à remplir cette liste... Il va bien falloir s'ouvrir pour ramasser quelques voix de l'opposition !"

Je rappelle ici au lecteur, que nous parlons d'un petit village rural où la population excède péniblement les 300 habitants. Il y aurait fort a parier que dans un monde parfait, aucune opposition n'existe, et là, pourtant, il y en avait une. J'allais comprendre pourquoi plus tard...

Le Maire eut alors une idée. Il avait trouvé, pensait-il, le candidat idéal. Un jeune homme qui n'est pas du pays mais qui a épousé une "autochtone" (je lève le voile, c'est de moi qu'il s'agit). Pour les autres, un artisan, une femme de l'éducation nationale, et enfin, pour l'ouverture, une femme qui ne votait habituellement pas pour eux, mais qui était fort impliquée dans la vie sociale (mère de famille nombreuse). Aucun n'avait d'expérience de la politique locale, assura-t'il.

C'est ainsi que le lendemain, prévenu d'avance par mon épouse ("Chéri, le Baron t'as conseillé à son Successeur. Moi, je n'en pense rien, prends ta décision, le candidat débarque dans 5 minutes à la maison."), pas rassuré des pincettes qu'elle avait prises pour me l'annoncer. Mais fort de mon intérêt profond pour la politique, dès mon plus jeune âge, je ne posai qu'une seule question, encore griffonnée sur un papier que je garderai plus d'un an dans un cahier : "Quel sera le rôle du Baron, s'il ne se présente pas ?". Il me fut répondu qu'il n'aurait qu'un rôle de conseil, pas plus ... Cette réponse, elle, résonnera longtemps dans ma tête ...

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