mercredi 17 juin 2009

La campagne en province

Mars 2008 ...

Il faisait encore frais dans nos montagnes, mais rien ne pouvait décourager le futur Maire, jeune retraité, ni les quelques membres de notre groupe dont les agendas regorgeaient de temps libre.
Je me suis joint à eux, pour les tournées de 3 ou 4 jours, on voyait environ 4 familles par journée, ce qui, somme toute, n'est pas d'une productivité remarquable. Néanmoins, dans la mesure où seulement deux ou trois cents électeurs feraient le déplacement, et que nous étions dotés d'un grand nombre de procurations garantissant 20% de la victoire (sur les conseils avisés du Maire actuel et du Directeur, qui étaient de vieux éléphants de la politique locale et qui ne laissaient rien au hasard), deux semaines à ce rythme nous assuraient une victoire facile: une victoire en un tour.

Chaque personne située à une étape de notre plan de vol accueillait notre équipée avec le sourire et souvent un bon café, ou un café moyen, mais alors agrémenté d'un bon digestif. Notre seul but consistait à convaincre de voter pour nous (évidemment), et comme un leitmotiv, de voter "liste unique", c'est-à-dire, ne rayer aucun nom de notre groupe, au profit d'un candidat de l'opposition (je consacrerai probablement un billet sur les procédures de vote dans les petites communes de moins de 3500 habitants en général et de celles de moins de 2500 en particulier, c'est du sport).

En tout cas, les visites furent finalement très instructives pour les futurs élus locaux dont j'aurai l'honneur de faire partie, nous vîmes les réalisations de certains habitants qui n'ont pas hésité, à leur frais, à retaper d'anciennes bâtisses, ou d'anciens chemins en pierre, "à l'ancienne", qu'avec une participation minime des précédentes municipalités. Je commençais à comprendre que la volonté des hommes pouvait dépasser la volonté politique. C'était la volonté des hommes qui changeait réellement les choses, nous n'aurions qu'un mandat de quelques années pour construire une belle route, avec la subvention de telle ou telle collectivité, un terrain de sport, grâce à l'État, ou peut être investir dans des projets à fort potentiel économique, mais là encore, en bénéficiant de fonds nationaux, voire européens. Eux, citoyens d'un hameau à l'autre, nous montraient comment avec leurs deux mains, leurs voisins, parfois leurs amis, souvent en investissant le moindre centime de leur retraite, avaient remis debout des pierres effondrées depuis plusieurs siècles déjà.

Ces promenades furent l'occasion pour moi de découvrir les premiers démons de notre futur Maire, qui fut longtemps le bras droit de son prédécesseur... peut-être plus même, et il ne cacha pas, un soir, sous l'effet de la fatigue, ou bien d'un alcool de poire qui se révéla plus fort que prévu, ses désirs de revanche contre tel ou tel habitant. L'un d'entre eux, semblait-il, osa envoyer une lettre ouverte à la population 25 ans plus tôt, pour dénoncer le monarchisme du petit Baron local. Le futur Maire ne se cacha pas de mijoter une expropriation pour un motif banal, je n'y prêtai pas d'importance sur l'instant, persuadé de pouvoir m'y opposer le moment venu.

L'agacement, et sa durée record, qu'a pu susciter ce simple courrier nourrira longtemps mes réflexions...

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